Se retrouver… au bout du monde

Pour ma chronique, j’ai décidé de vous parler d’un sujet un peu plus personnel. J’adore partager avec vous des projets de rénovation inspirants, des exploits d’architecture et des visions du monde qui sont touchantes. Mais, cet été, j’ai vécu une expérience exceptionnelle, dans un lieu spectaculaire qui ne s’invente pas. Quand on dit que la réalité dépasse la fiction… Hé bien, c’est ce que j’ai ressenti en mettant les pieds au Fogo Island Inn. Ce lieu, je l’ai visité pendant mes vacances et ce fut une expérience tellement marquante que j’ai envie de vous en parler. Au départ, j’avais décidé de faire un voyage ou je m’immiscerais dans un univers architectural. J’avais fixé des objectifs pour cette aventure : me retrouver seul dans un endroit inspirant et beau. Me retrouver, moi. Profondément et pleinement. Je cherchais un lieu inspirant, un lieu qui respire la créativité. 

Terre-Neuve. Un nouvel endroit pour moi et qui sort complètement des sentiers battus. Deux éléments m’incitaient à aller là-bas : premièrement le chemin pour s’y rendre interpellait énormément. C’était un roadtrip unique de rouler jusqu’à Terre-Neuve, voir défiler tous ces paysages, avec au passage, l’occasion pour moi de tester les limites de ma voiture électrique. Et la deuxième raison, et la plus importante : cet hôtel mythique à Fogo island, une île terre-neuvienne. J’avais envie de cette expérience profonde de voyageur où je verrais pour ce qu’elle est la beauté qui est devant moi. Je ne voulais pas de l’expérience de touriste qui ne voit que ce qu’il est venu voir. Je ne voulais pas porter d’œillère. J’avais aussi besoin de voir la vraie beauté d’un endroit dont je ferais l’expérience sans horaire, sans attente. De voir la beauté, moment après moment, et de toucher à l’essence même de la vraie vie. Celle qui s’apprécie à chaque instant.

J’y ai effectivement découvert un endroit merveilleux où ma voiture se laissait aller fenêtres ouvertes à travers des fiords, des montagnes envoûtantes, des prés fleuris, des bords de mer garnis de maisons de pêcheurs blanches et vert lime. Je me suis aussi retrouvé à rouler à vélo au grand air, mes poumons se gonflant de l’air marin et de l’air pur des plateaux du centre. De me promener ainsi m’a empli d’un sentiment de liberté lui-même insufflé de tous les possibles et aussi doux que l’air frais. Dans cette nature superbe se trouvent certains des éléments qui m’ont marqué profondément.

La magie de ces espaces qui conservent toujours un peu de mystère m’a fortement chamboulé et le lieu où j’ai dormi a laissé une empreinte tout aussi indélébile en moi. Déjà, en route à travers les paysages qui allaient me mener jusqu’à mon refuge, je lisais sur le Fogo Island Inn et sur sa créatrice Zita Cobb, 55 ans, sourire rayonnant, cheveux courts à la Jean Seberg, de l'énergie à revendre, roulant dans sa Subaru 2005 et ne dormant que deux ou trois heures par nuit. Une battante, une passionnée inspirante qui a changé mon regard sur le monde et conséquemment, ma vie. Son histoire est aussi simple qu’elle est extraordinaire. Après avoir fait fortune dans le domaine de la fibre optique, cette fille de pêcheur, qui a grandi dans une maison sans électricité, est revenue vers son île natale: Fogo, située au nord-est au large des côtes de Terre-Neuve. En 2004, avec deux de ses frères, elle a mis sur pied une fondation caritative et investi des millions afin de revitaliser son milieu rural et valoriser les traditions et les savoir-faire locaux. En bref, elle a sauvé son village de l’extinction auquel il était destiné, la pêche ne suffisant plus à le maintenir en vie.

Elle a mis sur pied l'établissement luxueux de 29 chambres, ouvertes sur l'immensité de l'Atlantique et où cohabite art actuel, histoires de pêche et artisanat local. On ne peut pas parler du Fogo Island Inn en passant à côté de son architecture unique. Monté sur pilotis, l’hôtel s’intègre parfaitement au paysage sans le défigurer et lui conserve cette rusticité et cette vérité propres aux bords de mer. La décoration de l’hôtel va selon le même principe. C’est un amalgame parfait de beauté, d’art et de nature, on ne sent pas du tout la fracture entre l’extérieur et l’intérieur, entre l’hôtellerie et cette hospitalité qui fait que l’on se sent chez soi, dans sa famille.

En effet, aussi important que le plaisir qui s’offre à nos yeux en ces lieux superbes, il y a le plaisir humain qui s’offre sous la forme d’un service axé sur la discrétion et l’authenticité. Si les lieux se fondent au paysage, les hommes et les femmes du lieu s’unissent aussi à ceux qui le visitent. Rien d’obséquieux ou de pédant dans le service, malgré la très haute tenue de cet établissement de luxe. On m’a tout de suite appelé par mon prénom et un guide privé m’a fait visiter le village comme si j’avais été un membre de la famille. Des voitures et des vélos sont laissées à notre disposition et on mange à notre heure et selon notre envie. Si j’avais à décrire en deux mots l’expérience que l’on vit ici, ce serait fluidité et simplicité. Tout est ici aussi fluide et simple que les vagues de la mer à nos pieds. Tout est naturel, rien n’est forcé.

 

Évidemment, du luxe, il y en a aussi. Mais on parle du genre de luxe qui n’est pas ostentatoire ni exagéré. On reste toujours axé sur la qualité de l’expérience et on ne tombe jamais dans l’opulence. Ça reste vrai. Tous les éléments de l’aménagement ont été fabriqués sur l’île et il faut dire que ça donne un look absolument unique, qui tend vers le minimalisme. Toutes les chambres donnent sur la mer et on peut profiter de deux jacuzzis extérieurs et de deux saunas. Ce qu’on mange au Fogo Island Inn est délicieux, sain et présenté en toute simplicité. Nos oreilles sont choyées par les musiciens locaux qui viennent jouer à l’hôtel et un feu brûle sur la grève tous les soirs. Il est vrai que ce n’est pas donné de séjourner en cet endroit. Par contre, il faut se dire deux choses. La première : c’est un hôtel qui a pour vocation de permettre à un village entier de rester en vie puisque la pêche ne peut plus les y aider. La deuxième : l’expérience vécue est absolument inoubliable. On se fabrique des souvenirs pour toute une vie. On parle d’une sorte d’investissement. Comme de ceux que l’on fait lors de ces grands voyages qui nous transforment à jamais.

Parce que, oui. Fogo Island et son Inn nous transforment à jamais. J’ai fait quelques longues marches et randonnées près de l’hôtel et en laissant mon esprit flotter dans ces lieux, je me suis aperçu que lorsque l’on marche hors des sentiers battus on ne sait jamais ce que l’on peut trouver. Le plus probable? On risque de se retrouver soi-même. C’est à Fogo Island que j’ai compris que pour trouver ce que nous cherchons, nous devons d’abord appendre à abandonner nos attentes et faire tomber notre carapace afin de vraiment nous laisser aller. C’est à ce moment-là que nous pourrons nous retrouver. C’est drôle, parce que lorsqu’on nous vend Terre-Neuve (Newfoundland) comme lieu touristique, le slogan est « Lost and Found » (perdu et retrouvé). Même si le jeu de mots tient moins bien la route en français, laissez-moi vous dire que ça reste vrai et que ça prend tout son sens quand on y met concrètement les pieds.