Habitat 67, un projet hors-norme
Partie 2 de 2 : Un résultat final de calibre olympique !

Nous vous revenons pour la deuxième partie de ce superbe projet. J’ai choisi de faire un dossier en deux parties, car les projets de rénovation sur « l’île » Habitat 67 sont très particuliers pour moi. Ils nous offrent des occasions spéciales de dépassement, ainsi qu’une belle palette de défis à relever.

Permettez-moi de commencer cette deuxième partie en vous racontant comment s’est développée cette relation particulière entre le rénovateur que je suis devenu et le lieu mythique qu’est Habitat 67.

Une volonté d’athlète

Ça commence avec les olympiques et avec un trait important de ma personnalité : la volonté. Quand j’étais jeune (et encore aujourd’hui, c’est vrai), j’avais une force de vivre particulière qui me poussait à vouloir me dépasser. J’ai toujours rêvé de participer aux Jeux olympiques. J’étais obnubilé par les Jeux olympiques. Deux aspects me fascinaient. Premièrement, bien sûr, ces athlètes qui se dépassaient dans leurs disciplines. Et aussi, même si ça peut sembler étrange : la logistique de l’évènement. Sans blague, je me voyais carrément organiser les J.O., rien de moins !

Comme les sports que je pratiquais alors n’étaient pas des disciplines olympiques, j’ai choisi de me rabattre sur le cyclisme et le ski de fond (dans ma tête, j’avais une chance en ski de fond). À l’hiver de 1988, l’année des Jeux olympiques de Calgary, j’ai 14 ans. J’aime déjà me donner des défis personnels et les relever. J’habite près d’un golf et je m’y rends souvent pour pratiquer le ski de fond. Parfois le soir après l’école et surtout les fins de semaine. Je fais des courses contre la montre, des circuits, et je pratique mon pas de patin en me voyant skier aux Olympiques et cette idée me captive.

En plein hiver sur ce terrain de golf, je suis seul à voir mon potentiel, mais cela ne m’empêchait pas de sentir de grandes ressources ancrées profondément en moi. J’avais la certitude que je pouvais réaliser tout ce que je voulais. Cependant, même si j’éprouvais une grande satisfaction dans l’entrainement et dans le dépassement de soi, je n’étais pas très porté sur les sports d’équipe. J’avais un sens certain du leadership, mais dans un contexte d’équipe, je ne voulais pas forcer quiconque à faire quoi que ce soit. J’étais donc plutôt solitaire.

L’effervescence du Montréal des années 70

Même si je n’avais pas vécu personnellement l’exposition universelle de 67 ou les jeux de Montréal en 76, j’en ai senti l’effervescence. À partir de 14 ans, je suis allé souvent sur les lieux de ces évènements à l’énergie si particulière, l’était c’était par de longues balades de vélo. Des entraînements où je partais de ville Sainte-Catherine pour emprunter la voie maritime et me rendre jusqu’au circuit Gilles-Villeneuve. Je faisais alors le tour de la piste à quelques reprises et je revenais à la maison. En passant entre les bâtiments de l’exposition universelle j’étais fasciné et je me laissais aller à rêver. Je rêvais de me dépasser et de participer aux Jeux olympiques. Mais voilà, ce n’était pas seulement l’idée des jeux qui me fascinait, c’était le désir de dépassement de soi. Je me sentais bien quand j’avais à me dépasser, quand je repoussais mes limites. J’oubliais tous mes tracas d’ado, d’orientation, de carrière, d’amis et de réussite scolaire.

Habitat 67 m’a toujours attiré. Nous avons cette chance de compter ce joyau architectural dans notre paysage montréalais. Les créations architecturales comme celles de Moshe Safdie (allez jeter un œil sur Internet, c’est plus de 100 projets sur cinq continents) représentent cette même idée de dépassement et de potentiel qui m’a toujours inspiré depuis mes rêves adolescents d’aller aux Jeux olympiques. Comme l’a dit Pierre de Couvertin, « Le succès n’est pas un but, mais un moyen de viser plus haut. »

Améliorer sans dénaturer

Dans la première partie de ce reportage, nous vous avons raconté la genèse et les bases de ce projet qui dès le début a été pensé dans le but de rendre hommage et mettre en valeur cette légende qu’est Habitat 67. Nous avons fait le choix de réactualiser l’aménagement des lieux plutôt que de le restaurer dans son état d’origine. En effet, puisque certains détails nuisaient à la qualité de vie des occupants et camouflaient plutôt que de mettre en valeur la singularité et la beauté des lieux avec ses grands volumes et ses matières brutes. L’aspect très daté de plusieurs composantes de l’aménagement étouffait carrément les lieux qui ne pouvaient rayonner dans toute leur splendeur.

Des exemples d’éléments d’époque sont les salles de bain monobloc fabriquées dans un seul moule de fibre de verre d’une épaisseur d’un pouce et dont l’extraction ne fut pas une mince affaire. Il nous a fallu les démembrer à la scie pour parvenir à les extraire de leurs carcans. Nous préférons toujours réutiliser les matériaux qui peuvent l’être, mais dans le cas de ces coques, elles ont pris le chemin du centre de tri dans notre camion-benne qui est dédié à cet usage. Ces salles de bain ont fait place à de merveilleuses pièces spacieuses au charme classique où nous avons osé la mégatuile taillée dans une imitation de marbre haut de gamme, plus durable que le marbre dans les zones humides comme la douche. L’effet obtenu s’amuse entre l’audace et l’élégance, les zébrures parcourant avec aisance la surface des tuiles de 2 pieds par 4 pieds presque sans rupture visuelle.

Remplacer les anciennes technologies

Ce projet de rénovation s’est avéré stimulant à plusieurs égards, entre autres par les défis techniques qu’il posait. D’entrée de jeu, le plafond de béton ne pouvait accueillir que des encastrées très minces et l’ensemble des conduits et du filage devait circuler sous plancher sur pilotis qui créait le vide technique nécessaire. Au niveau du sol, nous avons également choisi d’entreprendre la modification du système de grilles de ventilation très typique des tendances de l’époque et qui ceinturait le périmètre des pièces au niveau du plancher. Ce système de fentes, en plus d’être inesthétique, favorisait l’encrassage des conduits et nuisait donc à son efficacité.

L’électricité des lieux a été refaite complètement. Le système électrique, qui à l’époque était une vraie révolution, mais qui est passé de mode aujourd’hui. Le système était ingénieux et comportait un gros transformateur primaire qui faisait passer l’électricité en bas voltage. Conséquemment, tout l’éclairage se contrôlait en bas voltage. Des interrupteurs sortaient des cadres d’acier. Un des désavantages était au niveau du bruit. Quand on appuyait pour allumer une lumière, on entendait le transformateur faire son travail, puis un bruit de décharge électrique et un condensateur magnétique claquait un peu plus loin dans l’espace. Rien de dramatique, bien sûr, mais c’était juste assez dérangeant pour avoir envie de se départir de ce système passéiste.

Des résultats dignes du podium!

Aujourd’hui, la rénovation c’est comme mes olympiques. Quand j’étais plus jeune, j’étais plutôt un athlète solitaire et aujourd’hui je suis le leader d’une équipe qui a la même vision que moi et le même désir de dépassement de soi. Une équipe que je mène à ma manière, sans forcer qui ce soit. Dans mon équipe, chaque membre est conscient de l’importance capitale de maîtriser cet art pour bien réussir chaque projet. Comme un athlète à l’entrainement, nous devons faire montre d’une rigueur accrue. Rien ne doit être laissé au hasard et l’équipe doit agir au même diapason.

Ce projet de remodelage à Habitat 67 nous a offert le grand plaisir de retourner dans ces lieux où nous avons déjà travaillé et que nous connaissons bien. Pour ma part, je ressens toujours un grand bonheur quand j’y retourne et que je sens cette ambiance si particulière et presque palpable. Cela me rend d’autant plus heureux de savoir que nous pouvons aider à faire rayonner ce joyau montréalais et créer des lieux de vie agréables et chaleureux pour nos clients.

Les projets que nous réalisons me rendent très fier. Toute l’équipe en est très fière. Nous sommes maitres dans l’accomplissement du rêve du client, la concrétisation de sa vision et l’aboutissement des défis. Rien ne nous fait peur, amenez-en des projets ! Je terminerai sur une autre citation de Pierre de Coubertin qui représente bien nos valeurs et qui correspond très bien à ma vision de notre travail : « Voir loin, parler franc et agir ferme. »